Biographie
Premières années

Georges Gounaropoulos (G. Gounaro) est né le 22 mars 1889 à Sozopol (l’ancienne Apollonie du Pont) située sur les bords de la Mer Noire (aujourd’hui Bulgarie), en Roumélie orientale. Pendant l’Antiquité, la ville avait été une colonie milésienne nommée Apollonie en l’honneur d’Apollon, Dieu grec de la lumière. De l’ère byzantine jusqu’au début du XXème siècle, la ville fut habitée par des Grecs.

Gounaropoulos fut le fils d’Assanitsa (Anna) et d’Élias, quatrième et dernier enfant de la famille. Il passe son enfance et sa première adolescence au bord de la mer, grandissant au sein d’un paysage rocheux imbibé de mythes et de contes de fées. Ainsi, il développe inconsciemment un caractère rêveur qui, plus tard, se retrouve par l’intégration dans son œuvre, des formes visionnaires.

Vers 1904, le gouvernement bulgare lance une campagne de bulgarisation visant la population grecque qui y vivait afin d’adopter la nationalité bulgare. C’est à ce moment-là, que la famille Gounaropoulos décide d’émigrer en Grèce. Après une période itinérante dans plusieurs villes grecques la famille finit par s’installer à Athènes. Les conditions de vie à Athènes sont extrêmement difficiles pour les émigrés. Le jeune Gounaro, à l’âge de 15 ans décide d’exploiter son talent inné pour le dessin, se trouve un gagne-pain en travaillant pour divers dessinateurs de réclames, pourvoyant ainsi à la subsistance de sa famille.

Les environs de la maison de Gounaro à Sozopol

Les environs de la maison de Gounaro à Sozopol

La maison où Gounaro a vécu jusqu’à l’âge de quinze ans

La maison où Gounaro a vécu jusqu’à l’âge de quinze ans

Études en Grèce

En 1906, Gounaro s’inscrit au Département des Arts Appliqués de l’École des Beaux-Arts d’Athènes et peu après obtient son transfert au Département de la Peinture. En 1912, après avoir reçu plusieurs Prix et distinctions, il obtient son diplôme et reçoit le prix Thomaidio. En 1913, il est appelé et conscrit dans l’Armée Grecque et part au front de la deuxième Guerre Balkanique, et ensuite à la première Guerre Mondiale. Pendant cette période, il réussit au concours Averoff et obtient une bourse pour poursuivre ses études à Paris. En 1919, à la fin de ses obligations militaires, il quitte Athènes pour la capitale française.

Autoportrait, 1912
huile sur bois, 27.5 x 17 cm
collection du Musée Georges I. Katsigras

Autoportrait, 1912
huile sur bois, 27.5 x 17 cm
collection du Musée Georges I. Katsigras

Études à Paris

Dès son arrivée, Gounaro s’inscrit d’abord à l’«Académie Julian» et y suit des cours jusqu’en 1924. Ensuite il travaille au théâtre comme décorateur et, en même temps, poursuit ses études à l’«Académie de la Grande Chaumière» de 1924 à 1925. Lors de son séjour à Paris, Gounaro se familiarise avec les chefs d’œuvre exposés dans les musées et s’imprègne aux idées et aux tendances artistiques de ses contemporains dans les galeries parisiennes. Il étudie la peinture de paysage et de la lumière dans le sud de la France. Son style personnel commence à émerger à travers son travail.

Il expose ses œuvres au “Salon National des Beaux-Arts”, au “Salon d’Automne” et au “Salon des Indépendants”, et reçoit des critiques positives et des recommandations. Après sa participation au Salon d’Automne, les marchands d’art Max Berger, directeur de la «Galerie Vavin-Raspail», et Alfred d’Albert deviennent ses protecteurs. Gounaro travaille désormais dans son propre atelier au numéro 95 de la rue de Vaugirard à Montparnasse et il se rend régulièrement en Provence où il peint le lac de Martigues.

En automne 1924, il retourne à Athènes pour une exposition au Zappeion Megaron où il présente, avec la peintre Koula Rompapa, 77 toiles récemment peintes à Paris. Le côté révolutionnaire et innovateur de sa peinture impressionne le public.

Apostolos Geralis, Loukas Doukas, Dimitrios Biskinis, Antonios Zohos et Gounaro (Paris, 1920)

Apostolos Geralis, Loukas Doukas, Dimitrios Biskinis, Antonios Zohos et Gounaro (Paris, 1920)

Consécration

En 1925, il retourne à Paris et se consacre à son travail tentant sans cesse de résoudre le problème de la lumière dans sa peinture, un élément qui le préoccupait depuis sa première prise de contact avec l’art moderne. Pendant ce temps son style se cristallise. En octobre 1925, la Galerie Vavin-Raspail, une des galeries les plus influentes de Paris, lui consacre une exposition. Cette exposition rencontre un succès impressionnant.

En mars 1926, la même galerie lui consacre une deuxième exposition dans le cadre d’un contrat de coopération permanent, ce qui signifie que sa reconnaissance en tant qu’artiste vibrant dans sa quête d’avant-garde, est désormais un fait. Il parvient à toucher le cœur du public parisien et réussit, grâce au mérite de son travail, à convaincre le système publicitaire à investir en lui. La conception de la lumière dans l’espace pictural que propose Gounaro est en accord avec les préoccupations artistiques de l’époque (1920-1930). Les critiques d’art ne tarissent pas d’éloges sur son œuvre et la presse parisienne encourage le jeune artiste. Des articles sur son œuvre apparaissent dans différentes revues: La Vie, Les Arts Plastiques, Le Journal des Débats, les Cahiers d’art de Christian Zervos, etc. Ainsi la peinture de Gounaro (le nom avec lequel il signera ses œuvres dorénavant) est établie dans le marché de l’art français.

En janvier 1927, une autre exposition à la Galerie Vavin-Raspail lui est dédiée; ensuite, l’année suivante (1928) une autre aura lieu dans l’une des trois plus prestigieuses galeries parisiennes, la “Galerie Georges Bernheim”. Encore une fois il y rencontre un succès remarquable. Désormais, on trouve ses œuvres dans d’importantes collections d’art de France, d’Angleterre et d’Espagne.

En 1929, il participe au “Salon des Vrais Indépendants” et au Salon avant-gardiste des “Surindépendants”. Au printemps de cette année, il décide d’exposer en solo à Athènes à la Galerie “Stratigopoulou”. L’exposition provoque beaucoup de controverses dans la capitale grecque, et de nombreux articles paraissent dans la presse (Eleftheron Vima, Proia, Ethnos, Patris, Acropolis, Nea Estia, Protoporia, Ellinika Grammata, Ethniki Epitheorisis et Fraghelio), exprimant l’admiration, les critiques et les attaques.

Nue blonde, 1924-25
huile sur toile, 91 x 64 cm
collection du Musée Georges I. Katsigras

Nue blonde, 1924-25
huile sur toile, 91 x 64 cm
collection du Musée Georges I. Katsigras

La Grande Dépression

Dès 1919 jusqu’au début des années 1930, Gounaro travaille à Paris où il jouit déjà d’une réputation bien établie en exposant ses œuvres en France et en Grèce. La grande dépression économique des années 1929-32, qui épuise le pouvoir d’achat sur le marché de l’art parisien, le contraint à rentrer en Grèce. Il a l’intention d’y rester temporairement et il est convaincu que la crise économique n’entravera pas sa carrière internationale. Néanmoins, en 1932 il s’installe définitivement en Grèce dans sa propre maison-atelier au quartier de Ano Ilissia. Il épouse la musicienne et compositrice Marika Proiou qui lui donne un fils, le futur architecte Elias Gounaropoulos.

Après la crise économique (1933-34) la presse française se réfère encore à son œuvre. Cependant, Gounaro est désormais installé en Grèce et il continue à travailler dans son atelier athénien. Il restera néanmoins toujours, occasionnellement, en contact avec les critiques d’art Marius-Ary Leblond et Tériade, jusqu’à la fin de sa vie.

Exposition du group artistique «Techni» au Zappeion Megaron (octobre 1931)

Exposition du group artistique «Techni» au Zappeion Megaron (octobre 1931)

Œuvre en Grèce

Le retour de Gounaro en Grèce coïncide avec l’émergence d’un courant artistique important, appelé “La génération des années ‘30”. Gounaro et d’autres artistes retournant de Paris, comme Michel Tombros et Nikos Hadjikyriakos-Ghikas, ainsi que Georges Bouzianis qui rentre d’Allemagne, insufflent ensemble les tendances de l’avant-garde internationale à la vie artistique en Grèce.

En 1934, la Grèce participe pour la première fois à la Biennale de Venise avec l’œuvre de 74 artistes distingués, parmi lesquels est Gounaro, dont l’œuvre fait l’objet de mentions particulières dans les articles de la presse italienne.

L’année 1935 voit une exposition qui marque un tournant décisif dans l’évolution de l’art moderne en Grèce. Cette exposition est “l’Exposition des trois”, où Gounaro, Hadjikyriakos-Ghikas et le sculpteur Tombros montrent leurs œuvres.

En juillet 1937, la municipalité d’Athènes confie à Gounaro le chantier de la décoration des murs de la salle de conférences du conseil municipal de l’Hôtel de Ville d’Athènes. Toujours fidèle à son style personnel, il créé un ensemble pictural de 112 mètres carrés, optant pour la technique brillante de la peinture murale à l’huile et à la cire, ce qui est une technique tout à fait rare. La fresque murale représente l’histoire d’Athènes de l’antiquité jusqu’à l’époque contemporaine. La représentation fidèle des figures historiques, de leurs vêtements et des objets est due à l’étude méticuleuse de Gounaro des vases anciens, des pièces de monnaie antiques, des stèles tombales, des statues et aussi de la riche littérature disponible concernant l’art grec de l’antiquité. Il commence le travail de la fresque en mars 1938 et le termine tout seul, sans assistance technique, deux années plus tard.

Pendant la deuxième Guerre Mondiale le peintre, qui a 50 ans, publie dans le journal Niki les dessins Que Notre Dame soit avec lui et Victoire volante pour encourager les soldats grecs.

En 1950-51, Gounaro exécuta les fresques de l’église d’Ayia Triada dans la ville grecque de Volos. En 1958, on lui décerna le Prix Guggenheim pour la Grèce.

Lors de sa carrière artistique, Gounaro présenta son œuvre dans plus de soixante-dix expositions en groupe, en Grèce ou à l’étranger, dans quatre expositions en solo à Paris, à la Galerie “Hugo” d’Alexandre Iolas à New York (1948), dans douze expositions en solo en Grèce (liste indicative : 1949, Galerie “Romvos”; 1957, Institut Français d’Athènes; 1959 et 1962, Galerie “Zygos”; 1965, 1971 et 1973, Galerie “Astor”). Lors de son vivant, la Pinacothèque Nationale lui consacra une exposition rétrospective en 1975.

En parallèle de son activité picturale, Gounaro s’occupa de l’illustration des recueils de poèmes et de textes d’intellectuels tels que Andreas Embiricos, Sotiris Skipis, Apostolos Mélachrinos, I.M. Panagiotopoulos et Kostas Varnalis.

Gounaro meurt en 1977, ayant vécu quatre-vingt-huit ans dont soixante-cinq années consécutives consacrées à la création artistique. Quand quelqu’un lui demandait peu de temps avant sa mort s’il était satisfait de sa contribution à l’art, il répondait: “Oui et non. Oui, car j’ai donné ma vision personnelle; non, parce-que l’œuvre d’un artiste ne peut être qu’un infime pourcentage de sa vision entière”.

Peinture murale à l’Hôtel de Ville d’Athènes. L’Apothéose de Périclès (det.)

Peinture murale à l’Hôtel de Ville d’Athènes. L’Apothéose de Périclès (det.)

Peinture murale à l’église d’Ayia Triada, dans la ville de Volos. Pantocrator dans le dôme du temple

Peinture murale à l’église d’Ayia Triada, dans la ville de Volos. Pantocrator dans le dôme du temple

Les informations sur la vie et l’activité artistique de Gounaro viennent principalement de l’étude monographique de l’artiste par Matoula Skaltsa (Skaltsa, M., Gounaropoulos [en grec], Athènes, Centre Culturel d’Athènes, 1990).