“[…] L’œuvre de Gounaro pivote tout entière autour de quelques figures privilégiées, qui lui servent de centres de gravité idéaux d’où il tire toute la substance de son art.
[…] La connaissance de l’endroit où l’artiste est né, et du milieu où il a passé ses premières années, est un guide précieux pour comprendre le contenu imaginatif de son œuvre.
Gounaro, né à Sozopolis, bourgade située sur les bords de la Mer Noire, […] a été pénétré pendant toute son enfance de la présence de la mer. […]
Le monde de la mer. Il y avait la pêche. Déjà par elle-même elle constituait une opération quasi magique, opération surprenante qui ramenait des profondeurs de l’abîme un trésor mystérieux d’êtres phosphorescents et limpides. Ces poissons aux mille couleurs transparentes, ces crustacés vermeils, dont le contact quotidien livrait à l’enfant les splendeurs sous-marines, formaient un spectacle de choix qui chargeait son imagination de formes aquatiques et des couleurs argentées et ruisselantes.
[…] L’idée du voyage prend bientôt dans l’esprit de l’enfant des proportions surprenantes. Aventure ulysséenne, course dangereuse vers un monde inconnu, nous la retrouvons dans ces rochers adrupts et inquiétants dressés comme des navires fabuleux sur cette mer mystérieuse qui figure dans presque tous les tableaux.
[…] Ce sont les baigneuses des plages. Le peintre nous a raconté lui-même combien ce spectacle le préoccupait alors, et quel rôle important il a joué dans le développement de sa vision poétique. Car ces femmes, vêtues comme les baigneuses d’autrefois de ligne blane, qui, au contact de l’eau, devenait transparent, ouvraient à l’enfant émerveillé l’univers voluptueux de la femme.
[…] L′eau. Il n’est pas fortuit que l’eau tienne une place aussi importante dans l’œuvre de Gounaro. On retrouve cet élément presque dans tous ses tableaux. Là où le sujet même le comporte, marine, bateau, rochers, scène mythologique, l’eau est représentée directement. Mais là où le sujet ne demande pas sa présence, tout le tableau le suggère. Il constitue dans l’ensemble de l’œuvre une espèce de fond transparent sur lequel se découpent les différentes figures, car la peinture de Gounaro est tout entière une peinture de fluidité. […] l’eau par sa seule présence, ajoute une nouvelle dimension à l’œuvre, la dimension d’un univers infini, fait de quiétude et de calme.
[…] Arbres et fleurs. Ces arbres évaporés, hantises des peurs enfantines, nous livrent non seulement les inquiétudes de l’enfant, mais aussi l’angoisse de l’homme. Par leurs membres tordus, par les repliements incessants de leurs branches sur elles-mêmes, par les accouplements quasi humains de leurs troncs ils expriment un conflit intérieur”.
Un autre élément qui démontre le dynamisme et la plastique de son art est le nombre et la variété des fleurs qu’il a peintes au cours des vingt dernières années […]. Les fleurs de Gounaropoulos, même peintes seules, symbolisent l’aventure humaine pleine et entière.
[…] Natures mortes. “Ces natures mortes transparentes, composées le plus souvent de poissons et de crustacés, qui, retirés de leur élément vital, palpitent et se tordent encore comme dans un effort désespéré pour exister, elles sont manifestement les symboles d’une lutte poignante de l’être avec lui-même.
[…] Sujets mythologiques. Mais là où cette lutte se révèle dans toute son ampleur, là où elle revêt une forme palpable, c’est dans les tableaux à contenu mythologique. Déjà le choix des sujets est par lui-même significatif. Prométhée, Orphée, Ulysse, Hercule, le Cyclope, Pasiphaë, sont des mythes où l’on voit toujours aux prises deux principes, un principe d’élévation et un principe d’engouffrement. Moi sublime et moi abyssal, les deux principes expriment l’extrême tension de l’être qui oscille entre les deux pôles opposés de l’existence, la quiétude et l’angoisse”.